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Revue de presse de Mode d'emploi
11 octobre 2012

"La génération Y n'est pas totalement incontrôlable"

000MoniqueDagnaud_1008-1-2_mC’est un peu le sujet à la mode. Tous les jours, ou presque, une nouvelle étude détaille les relations de la génération Y au monde du travail. Souvent décriés, ces jeunes nés entre la fin des années 70 et le milieu des années 90 seraient individualistes, peu respectueux de la hiérarchie et rétifs aux méthodes de management propres à l’entreprise. Bref, ingérables. Le concept paraît pourtant fumeux. Qu’est-ce qui relie en effet un Y cadre d’un Y ouvrier ? Leur culture est-elle si homogène qu’elle les met en opposition totale avec leurs aînés ? Et pourquoi ces derniers semblent s’étonner que des jeunes fragilisés par le contexte économique rejettent les modèles du passé ? Monique Dagnaud, directrice de recherche au CNRS et auteure notamment de Génération Y, les jeunes et les réseaux sociaux : de la dérision à la subversion, revient sur la notion d’Y et l’apparente possibilité d’affrontement entre générations.

La génération Y renvoie à une classe d’âge, grosso modo ceux qui ont aujourd’hui entre 18 et 30 ans, mais qu’y a-t-il de commun entre un jeune employé, un jeune cadre ou encore un jeune ouvrier ?

Lorsque je me suis intéressée à la génération Y, je souhaitais comprendre quels étaient les rapports des jeunes de 18 à 30 ans à Internet et aux réseaux sociaux. C’était une réflexion sur les modes de communication en temps réel et leurs conséquences sur la psyché des jeunes, leur manière de fonctionner dans le monde. De ce point de vue-là, il y a effectivement une certaine homogénéité. Bien évidemment, ces pratiques sont ensuite à redéfinir en fonction des catégories socio-professionnelles et encore plus important en fonction du niveau d’études atteint. Par exemple, les jeunes d’origine populaire ont un usage plus utilitaire de Facebook alors que les jeunes qui sont à l’université manient ce réseau social de manière plus exubérante, comme une construction de leur identité. Mais au-delà du rapport à Internet, la génération Y partage également une vision du monde commune liée à la crise financière, le chômage, la mondialisation et à un certain pessimisme ambiant dans la société. Ils ont été élevés dans un modèle bien particulier et ont su adopter de nouveaux codes et de nouveaux moyens de sociabilité.

Le monde de l’entreprise les qualifie souvent d’individualistes, de rétifs à l’autorité et critique leur manque de fidélité, c’est un peu étonnant alors qu’ils ont précisément été éduqués dans un environnement instable…

C’est vrai que ces jeunes sont nés dans une période de crise, ils ont entendu leurs parents parler de la souffrance au travail, de la pression professionnelle et ils savent parfaitement que les entreprises sont soumises à des logiques économiques… De fait, ils n’ont pas une image extrêmement positive du monde du travail. Il n’y a plus de véritable patriotisme d’entreprise. Avant, on disait je suis de telle ou telle société mais cet attachement à l’entreprise est aujourd’hui très tiède pour ne pas dire froid. Mais la génération qui précède n’est pas forcément très différente de la génération Y : elle aussi a connu le mal-être en entreprise.

N’est-ce donc pas aux entreprises de s’adapter à ces nouveaux comportements ?

Je pense que les entreprises s’interrogent déjà sur l’attitude à adopter vis-à-vis des Y. D’autant qu’au-delà de leurs habitudes de communication, leur peu d’attachement à l’entreprise, les jeunes veulent s’investir. Ils souhaitent apporter des choses à l’équipe qu’ils intègrent au travail tout comme ils désirent apprendre des autres. Ils sont dans un rapport dialectique d’apprentissage, même si, là encore, c’est à repenser en fonction des CSP et niveaux d’études de chaque individu. Il est aussi intéressant de constater que les Y ne sont pas des jeunes totalement incontrôlables. Ils sont demandeurs de plus d’accompagnement, de suivi, ils veulent progresser et sont en attente d’une forme de transmission du savoir. Cela prouve qu’ils désirent également s’insérer dans la société. En cela, ils partagent les envies de la génération précédente sans pour autant bénéficier des mêmes moyens au même âge.

Les Y ne seraient donc pas en conflit permanent…

Une fraction minoritaire de jeunes fait un rejet de la société, mais ce sont précisément ceux qui ont le moins de cartes en main. Ceux qui, peu ou faiblement diplômés, galèrent à trouver un emploi et sont fragilisés financièrement. La société doit mieux accompagner ces jeunes. Par exemple, alors qu’auparavant on pouvait intégrer une entreprise et être formé sur le tas, il est aujourd’hui difficile de réaliser un stage en alternance et les entreprises sont de plus en plus frileuses dans leur recrutement. Il est donc nécessaire de repenser le rapport à l’employabilité.

Récemment encore, on faisait également miroiter le départ à la retraite des baby-boomers et donc un retour vers plus d’emploi. Est-ce que la crise peut alors exacerber les tensions entre génération ?

C’est vrai qu’il y a une dizaine d’années, le discours était : ne vous inquiétez pas, les baby-boomers vont partir à la retraite, des places vont se libérer. En fait, ceux qui sont le plus en forme continuent de travailler et aujourd’hui, les entreprises n’embauchent plus. Il y aurait donc toutes les raisons de craindre un conflit de génération, tous les paramètres étant présents pour. Mais au sein des familles, l’accompagnement et la solidarité économique notamment n’ont jamais été aussi fortes. Cela permet d’apaiser un climat qui pourrait objectivement être tendu.

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